Etrange.

Quand tombe la nuit…

Lorsqu’on a la mémoire solide et l’imagination fertile, l’inconscient s’amuse comme un petit fou. Il invente des histoires abracadabrantes et parfois plus, abracadabrantesques. Je me demande pourquoi.

La nuit dans le secret du sommeil, il en profite pour sortir comme un goupil malin attiré par l’odeur de la géline. Il doit avoir une faim de loup, c’est son heure préférée. Tout loisir est pour lui de fouiner dans la nuit tranquille sans être trop dérangé. Il commence par s’avancer sur la pointe des pieds, prépare son coup en douceur pour ne pas vous réveiller et se faire surprendre. Si vous ouvrez l’œil, s’il le devine en alerte, il file, disparait un moment, s’évanouit dans un coin de l’éveil, tapi dans l’ombre et silencieux en attendant les prochains ronflements. Dans la journée, l’inconscient fait quelques incursions rapides sans trop s’attarder, toujours par surprise. La brièveté de sa manifestation n’en est pas moins marquante. Il apparait masqué sous forme de lapsus linguae ou calami. Cette dernière forme est vite démasquée et rectifiée, la première trahit les instincts profonds qui n’échappent guère à l’interlocuteur attentif. Parfois, c’est l’acte manqué qui révèle sa présence plus théâtrale.

Comme tout un chacun, j’ai mon inconscient oisif dans un coin du cerveau, toujours à l’affût, prêt à me raconter des histoires dont je ne connais toujours pas la signification. Que dit-il ? Dans quel but le dit-il ? Je l’écoute, je l’entends mais je n’en sais rien. Joue-t-il un rôle ? Sans doute, celui de nous rappeler nos travers faussement oubliés qu’on ne saurait voir. Mais pas toujours dans ce sens, ce n’est point évident, pourquoi y aurait-il toujours un sens ? la science des rêves et la psychologie ne sont que des sciences humaines souvent des extrapolations séduisantes, plausibles, sans jamais friser la loi physique ou la rigueur mathématique. Le piège consiste à prendre pour de l’argent comptant une analyse bien conduite, satisfaisante pour l’esprit… Ça nous arrange. D’autres pistes sont possibles. On ne retient que celles que l’on trouve séduisantes.

Je me suis souvent demandé pourquoi je fais ce rêve récurrent qui me semble sans objet. Mon père est décédé il y a trente-cinq ans. Presque de manière cyclique, je rêve qu’il est parti sur le continent sans prévenir et sans jamais donner de nouvelles. J’en veux à la terre entière et à ma famille car personne ne s’inquiète de savoir ce qu’il est devenu. Je vois son visage et je m’attends à son retour soudain, sans explication, comme il est parti. Jamais, il ne revient dans mes songes. Lorsque je le cherche, une ombre profonde surgit d’un trou noir pour m’effaroucher puis tout s’arrête. Le rideau tombe, la pièce est terminée. Il faudra la reprendre un autre jour. Au réveil, grand soulagement de savoir qu’il ne nous a pas abandonnés sans prévenir, c’est le retour à la réalité puisque je l’ai vu dans son cercueil. L’inconscient est-il inlassable menteur ? Curieusement, je m’habitue et fors cette sensation étrange du moment, cela ne me dérange plus. Parfois j’en redemande mais ces choses-là ne viennent pas sur commande, c’est « l’autre » qui décide.

Chercher à comprendre ? Je m’en moque. Il existe des multitudes d’explications toutes simples que l’on imagine facilement. Sont-elles des explications pour autant ?

Je rêve que mon père est encore vivant, mais ailleurs dans un endroit qu’il a choisi et l’inconscient joue au médiateur. Pour l’instant, le renard est dur avec moi et ne me montre que son visage. Un jour, peut-être, me laissera-t-il entrer dans ce trou noir pour voir ce qu’il fait, s’il a changé, s’il pense encore à nous… Avec cette envie de perpétuer le monde, si l’inconscient me conduisait derrière le rideau pour me faire plaisir, je sais qu’il me racontera des bobards. Des bobards comme je voudrais les entendre et les voir. Il est accommodant, si on sait l’amadouer… ce soir peut-être, viendra-t-il pour m’accompagner vers l’autre face des choses de la vie.

Même si c’est un rêve, il n’est jamais cauchemar. Je crois que mon inconscient a compris que je ne me laisserais pas tromper si un jour il organisait le retour de mon père durant mon sommeil paradoxal. Alors, il ricane et me promène, il s’amuse et cela ne me dérange pas… il faut bien meubler ses nuits, un sommeil sans images est comme un jour sans crépuscule…

Étrange ! une autre fois peut-être, vous raconterai-je d’autres rêves étranges…

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