Ce temps qui frappe à ma porte.

DSC_3130Ces fruits de la tempête…
(Cliquer sur le photos)
Texte écrit le 2 octobre après le déluge de la veille.

 

Je n’ai pas connu la douleur d’une vie. Je crois, ou alors j’ai perdu la mémoire. Mon enfance fut sereine lorsque d’autres l’auraient vécue à stigmates.
D’où me vient ce sens du retournement ? Je n’en sais rien, je cherche encore et ne trouverai probablement jamais car, finalement, peu m’importe de le savoir. Comme un placebo en médecine, je pourrais m’inventer un leurre et y croire. Ce n’est pas mon propos, je n’ai pas d’écorchures. Mon enfance est un sourire permanent, tous les moments difficiles ont été effacés ou plutôt, je sais que par eux passe le contraste heureux de la vie.
Ma maison ne ressemble pas à celle de mes jeunes années, tout y est hétéroclite et sans intérêt particulier. Il n’y a rien à montrer ni de quoi épater. C’est un lieu de vie banal où l’on ne visite pas, on s’assoit puis on part avec l’envie de revenir. Tout est simple comme un regard étonné sur la vie.
Octobre a fait une entrée fracassante sur l’Île de Beauté.
DSC_0010Le brou béant…
Hier soir était temps tempétueux. C’était facile de se replonger quelques nombreuses années en arrière lorsque nos maisons étaient des oreilles pointées vers l’extérieur. Des antennes auditives qui facilitaient la vision sans rien voir. Le vent devenu fou battait le noyer. Il l’attrapait par le colbac pour secouer le brou béant qui ne parvenait pas à cracher le morceau. On entendait le bruit sec d’une noix qui venait frapper le muret. Je l’imaginais roulant un instant avant de trouver refuge au pied de la sauge arbustive. Le pommier se faisait gifler par vagues successives mais il avait déjà tout rendu. Il subissait ces assauts pour rien. Des rafales en furie qui filaient droit devant, sans se soucier de ces pauvres arbres incapables de se mettre à l’abri.
La pluie violentait les volets. Elle devait s’abattre par flagellations obliques ou par seaux jetés au gré d’Eole omniprésent. La goutte qui s’écrasait dans un coin du grenier, difficile à repérer au bruit, me rappelait celle de mon enfance qui « flapait » dans une bassine salvatrice juste au-dessus de mon lit. Elle s’énervait parfois en augmentant le rythme de ses «  flap flop » puis se calmait en attendant la prochaine tournée. Elle se reposait pour reprendre des forces.
Comme naguère dans notre vieille maison à l’installation électrique sommaire, la lumière jouait à clignoter, faisait mine de s’en aller, hésitait sans éteindre ses lampes. Sur le téléviseur les images se pixellisaient, se tordaient, se figeaient puis disparaissaient un instant : « Le signal de la parabole est insuffisant ». Le film interrompu nous replongeait dans une réalité triste sans son mirage. Le contraste est grand lorsqu’on se remémore le passé. L’hiver, la cheminée était notre petite lucarne qui ne s’éteignait jamais. Lors des pannes électriques, elle devenait plus lumineuse encore et plus vivante lorsque le souffle qui bousculait les fils branlants sur le mur de la maison, ravivait une flamme en s’engouffrant par le conduit de la cheminée. Puis nous embrumait d’un brouillard de fumée âcre qui nous piquait les yeux. Les histoires défilaient dans un regard porté sur la braise, sur un tison trop vert qui moussait de bave grise, dans le jet soudain d’une gerbe d’étincelles et se poursuivaient jusqu’à l’arrivée du sommeil. Seul, un coup de tonnerre nous tirait d’un rêve à peine éveillé. Un sursaut, un mouvement d’épaule pour marquer la surprise et le conte merveilleux reprenait son cours sur une flamme danseuse de flamenco. Le feu s’endormait alors que nous passions dans les bras de Morphée. Sur un choix de notre inconscient, une autre histoire nous transportait dans la magie, dans un monde inaccessible autrement. Des genres multiples et inattendus durant le sommeil paradoxal. Les nuits d’hiver stimulaient l’imagination et le froid de la chambre jamais chauffée allumait des rêves à la douceur infinie…
Le va et vient entre présent et passé très lointain est incessant. Cela me plait et m’amuse. Cela me fait sourire, me replonge auprès des miens. Cela me dit la vie, ma vie passée et celle incertaine qui me reste.
Un jour, je serai dans le néant. J’aime me plonger dans cet absurde qui consiste à imaginer l’absence de tout. C’est possible de son vivant. On pense comme il nous plait de penser.
Je suis en suspension au-dessus de ma tombe puis comme un drone invisible, je survole mes endroits préférés. Je regarde vivre sans aucune possibilité d’agir… Je serai sans doute vite lassé de regarder les autres pour les laisser à leur vie qui ne me regarde plus. Je me dirai, si l’on me permet ce souffle : « Allez va, disparais à jamais, pour toi c’est fini »
Vivre un petit peu dans l’esprit des siens qui restent… Un jour nous serons tous mélangés dans cette terre devenue fertile à d’autres vies.
Octobre est entré en furie, une colère qui m’a rappelé ces jours où nous étions démunis. Une escale dans le passé fragile mais pas plus qu’aujourd’hui. C’est le temps qui passe, laisse quelques traces puis les efface… et c’est fini.
DSC_3669Le sphinx-colibri court la sauge arbustive…
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