La nouvelle est tombée le jour de la fête des mères. Maman va mal, le bulletin médical n’est pas de bon augure.
Le jour était mal choisi. Ce dimanche, on souhaite une bonne fête à toutes les mères, une fête devenue dérisoire, incongrue, à la suite de cette annonce. On se sait plus comment faire, alors on déroule le film à l’envers… et pour faire dans le réalisme…
Je suis allé revoir Funtanedda. Maman vivait à une centaine de mètre de la source de notre enfance. Tous, grand-père, grand-mère, père et mère se sont abreuvés à cette eau fraîche sortie des entrailles de la terre pour filer vers l’amont du Fiumiccicoli tout proche. Le chemin de mon enfance était introuvable, enseveli sous une forêt de broussailles où les ronces, la vipérine, les coquelicots, la vesce craque et tous leurs compagnons sauvages avaient élu domicile. Le sureau se frayait un passage timide au milieu de ce boucan visuel très fleuri. Il tendait de fragiles inflorescences, des ombelles crème légère, presque blanches, ciselées comme des dentelles de fin coton. Très abondant à cet endroit lorsque nous étions enfants, « u sambucu » préparait en secret ses boules noires et ses tiges au cœur tendre d’amadou qui nous servaient de sarbacanes une fois évidées de leur moelle. Toutes ces plantes chantaient la vie amazonienne, luxuriante et inextricable. Un vrai paradis pour les chasseurs macrophotographes.
Tout l’espace regorgeait d’insectes multiples et variés à affoler le plus averti des entomologistes. Une petite faune en regain de vitalité dans une flore surpeuplée qui offrait sa plus belle parure de printemps. Un endroit de rêve pour un peintre impressionniste en mal d’inspiration. La palette était riche et joyeuse, à admirer de loin car inapprochable sans la faucille et la serpette. Seul, un chemin venant de nulle part était encore praticable et débouchait quelques dizaines de mètres plus haut sur la route de Carbini.
Aux alentours de la fontaine, une masse ombrageuse lugubre dominait. Une voute sinistre dégageait une atmosphère glauque. L’eau vive qui circulait naguère dans le ru, voyageait péniblement transportant de vilaines choses. Là devant moi, Funtanedda était morte. Momifiée, la bouche ouverte, la gorge sèche, l’âme envolée. Voilà, j’étais planté devant l’inerte gargouille et je regardais sur le côté, perdue derrière une petite jungle, la maison familiale abandonnée aussi. Vide et toute voie de communication coupée avec la source de nos plus beaux jours d’insouciance. C’est un endroit désormais perdu, je doute fort qu’un jour la vie se remette à palpiter par ici. Les papillons, indifférents à mes états d’âme, survolaient les broussailles dessinant leurs courses folles et chaotiques, imprévisibles, boudant une fleur largement offerte pour ficher leur trompe suçoir dans une fleurette presque invisible qui leur envoyait des effluves plus sauvages. Les inflorescences de menthe, comme du temps où nous étions petits, semblaient attirer plus d’adonis bleus que nous connaissions sous le nom synonyme d’argus céleste. Un contraste saisissant s’imposait à moi, entre la beauté sauvage du paysage et la tristesse que suggérait la fin d’une histoire. Tout un pan de vie que je serai sans doute le dernier à évoquer dans la famille
Aux dernières nouvelles, la médecine aurait revu son diagnostic et pratiqué une autre thérapeutique, maman va mieux, l’espoir renaît. Funtanedda a rendu l’âme et ne s’en remettra pas. Qui donc se souviendra du gargouillis qui enchantait naguère tout le quartier de la Navaggia ?
Tinta !
Funtanedda, c’était vraiment notre enfance !… Source désormais tarie et, jadis, eau pure rafraîchissante, les étés caniculaires, d’un temps où même la télévision n’était pas dans les foyers (un transistor ou un mange-disque à la limite) !… Je suis rassuré d’apprendre (en fin du texte) que ta mère va mieux : embrasse-la de ma part. On se reverra au mois d’août. L’été venu, on aime à se rappeler les souvenirs anciens, et Rosalie a, de ce point de vue, toujours quelque anecdote originale à nous conter !… Merci aussi pour ces belles photos verdoyantes, où l’on aperçoit les maisons de nos enfances ! Bien vu, Simon. Affectueusement. – Jean-Paul.
Funtanedda, c’était vraiment notre enfance !… Source désormais tarie et, jadis, eau pure rafraîchissante, les étés caniculaires, d’un temps où même la télévision n’était pas dans les foyers (un transistor ou un mange-disque à la limite) !… Je suis rassuré d’apprendre (en fin du texte) que ta mère va mieux : embrasse-la de ma part. On se reverra au mois d’août. L’été venu, on aime à se rappeler les souvenirs anciens, et Rosalie a, de ce point de vue, toujours quelque anecdote originale à nous conter !… Merci aussi pour ces belles photos verdoyantes, où l’on aperçoit les maisons de nos enfances ! Bien vu, Simon. Affectueusement. – Jean-Paul.
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