Le lustre.

Depuis le temps que j’en parle chacun connait ma marotte, la notion de temps. J’ai probablement écrit cette phrase quelque part déjà.img_1903

Le temps qui vieillit. (Cliquer sur les images)

Je n’ai cessé d’évoquer cette prise de conscience de la fuite du temps, non pour pleurer et m’en plaindre, mais bien au contraire pour mieux profiter des minutes et des heures qui passent. En perdre le minimum, ne gaspiller que ce qu’il me plait de gaspiller car le gaspillage fait partie du jeu des contrastes. Carpe diem, dit-on.

Lorsque j’ai le sentiment d’avoir perdu mon temps en errances inutiles, d’avoir perdu une bonne dose de plaisir qui s’offrait à moi, je bisque. Bisquer, un verbe qui émane encore d’une âme enfantine. Puéril mais frais.

Si le corps vieillit, je veux conserver l’esprit vif, neuf, qui pense avoir devant lui encore des beaux jours à vivre, à faire le fou que l’on croit sage, à cabrioler dans la vie comme le chevreau insouciant, ignorant qu’il deviendra vieux bouc un jour, ou totalement chèvre.

img_1924Le temps qui paresse.

Tous ces sentiments n’empêchent pas la lucidité. La concomitance de toutes ces consciences, du « vouloir être » et de « l’étant », sont de connivence de sorte que le plaisir prenne toujours une longueur d’avance sur les autres ressentis. Je m’efforce de vivre ainsi. « M’efforcer » est impropre car je ne fais aucun effort, c’est une nature première plus qu’une seconde nature. Plutôt entier que morcelé, mes facettes sont une diversité dans la culture des plaisirs bien plus qu’un caméléon destiné à tromper ou à louvoyer. Difficile de trouver le mot juste, celui qui ne trahit pas, un mot fidèle aux sentiments.

Parfois, des mots me viennent à l’esprit. Des mots longtemps égarés ou en attente d’une opportunité pour réapparaître. Ils n’ont pas un usage courant. Liés à un contexte précis, ils se font rares et s’effacent de la mémoire en se perdant dans le temps. L’autre jour, un cousin m’accompagnait dans mes gambades en quête d’une photographie, il désigna un arbre : « Tu vois là, il y a un chêne blanc. » Aussitôt un mot remonta à la surface et je lui répondis instantanément : « C’est un chêne marcescent ». Ce fut l’occasion d’évoquer les feuillages caducs, persistants ou marcescents. Ce dernier terme signifie que les feuilles meurent mais restent sur l’arbre et ne tombent qu’au moment de la repousse du feuillage nouveau… Suis-je marcescent aussi ? Vieillis-je sans me départir des effets de l’âge et reste vif comme la braise sous la cendre ? Dans le texte intitulé « La débraille », je me découvre ainsi et ne me régénère extérieurement qu’en allant à la ville comme l’arbre à la belle saison.

img_1912Le temps qui s’ennuie.

Hier, je m’étais assis dans un coin au pied d’un noyer, le regard tourné vers l’horizon, perdu très loin. Egaré dans ces endroits qu’on ne connait pas mais qu’on imagine à sa convenance. Je me projetais dans un paquet d’années et j’ai pris conscience que je ne pouvais plus raisonner en décennies. Désormais, pour mettre à jour mon échelle du temps, je réalisais que mon nouvel étalonnage s’exprimerait en lustres, c’est-à-dire en périodes de cinq années. Au maximum, il doit me rester trois lustres à vivre, c’est-à-dire une décennie et demi. Tant que « décennie » figure dans l’hypothèse, c’est rassurant, alors je m’octroie un minima avec un lustre et demi pour m’inventer le frisson. C’est ma manière d’anticiper sur le temps, de me donner une marge et de cabrioler comme je peux dans cette perspective. J’ai de quoi y mettre plein de joies mais ce n’est pas moi qui décide tout seul. Ma fourchette de vie est juste un repère possible mais demeure quelque peu utopique, en tous cas purement virtuelle pour satisfaire un souhait. Vivre, c’est croire à toutes les folies, s’imaginer un réel et rêver l’impossible. L’improbable n’existe plus, balayé, envolé, c’est plus commode ainsi.

img_1923Le temps qui fuit.

Hélas, ce n’est qu’une vue de l’esprit qui cherche à gouverner un peu, qui se donne l’illusion d’une maîtrise. La vie est ainsi faite, nous ne sommes qu’une gouttelette prête à s’évaporer au gré du temps, un nuage de vapeur qui surgit lorsque l’envie lui prend. Une goutte qui s’envole au lieu de choir en lâchant prise.

En réalité, tout cela n’est que jeu de nécessité. Si nous avions la possibilité d’analyser toutes les données qui convergent, il serait facile de prévoir les embûches d’ici-bas.

A quoi bon ?

J’ai donc choisi l’idée de jouer avec le temps. Je sais qu’il s’en fiche, lui ne joue pas. Son métier c’est de tracer inexorablement son chemin comme un rouleau compresseur aveugle, sourd et muet.

Alors, je continue à m’amuser, le temps se raccourcit…

C’est maigre un lustre, ça court vite. L’heure viendra rapidement, plus qu’on ne le pense,… puis, comme un effet de surprise : Déjà ?

Cela voudra dire qu’il est bien trop tard…

Je file vagabonder, il est encore temps !

img_1976Ce temps qui rougeoie.

 

 

 

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