PTH 5

Le cinquième jour, je me suis bien amusé, pour diverses raisons.

La journée commençait sur l’annonce de ma sortie prévue pour le lendemain. Une ambulance était retenue pour me reconduire chez moi. J’étais content et devisais avec la femme de ménage qui s’était appuyée sur son balai. Un moment agréable comme dans un salon puisque j’étais dans le fauteuil. Nous avons parlé de ces choses ordinaires de la vie qui vous font oublier que vous avez deux jambes. Je me suis un peu inquiété car la discussion s’éternisait et je ne souhaitais que cette brave dame se fasse rappeler à l’ordre. Ce fut parfait pour moi et pour elle qui me découvrait sous un autre angle. Sympa.

Une heure plus tard, débarque un homme en blouse blanche : « Bonjour monsieur, je suis le brancardier, je viens voir comment je peux vous transporter. Parfait, ce sera en fauteuil roulant. » Puis s’en alla sans autre mot. J’étais époustouflé. Quelle organisation ! Rendez-vous compte, comme s’ils préparaient le cosmonaute Simon à voyager confortablement dans l’espace. Ça ne plaisante pas ! Bon, demain, je fais un tour en fauteuil.

Trois quarts d’heure passent, le brancardier revient avec le fauteuil. « Il y a méprise, je sors demain à 11 h. » (Il était onze heures) « C’est pour la radio de contrôle avant la sortie… » Quel quiproquo encore ! J’en fabrique un par jour minimum. Il y a toujours un détail qui m’échappe. Je suis le roi des « quiproqueurs » Un ci n’hè comé mè ! (Il n’y en a pas comme moi, dit-on par ici.)

Et nous voilà partis, amusés par l’anecdote. L’homme était un maître brancardier, pilote virtuose aux commandes d’un fauteuil roulant, de surcroît.. J’avais l’impression d’être sur un manège, parfois en pousse-pousse et que j’allais visiter la Chine. Je redevenais un enfant puis un touriste joyeux. Je sentais la légèreté dans la conduite. Une brise douce  me caressait le visage dans les virages à angle droit. Vous savez mon amour pour Eole et toutes ses variantes. J’aurais donné une bonne tape amicale à mon guide si j’avais eu du courage. Il aurait compris le symbole et la complicité qui s’y rattache, pas question de le mettre mal à l’aise.

La radio fut déclarée impeccable avec, à l’image, une amorce de danse du squelette bas, une sorte de swing figé d’un bel effet. Le radiologue me signifia que j’étais apte à reprendre le foot, dans un sourire de connivence. Cela déclencha instantanément le retour sur une ancienne anecdote de foot réveillée par le même contexte de traumatologie articulaire. Ce fut cadeau pour le brancardier sur le trajet du retour. Il a bien ri. L’histoire d’un joueur venu passer ses vacances estivales en Corse repéré sur une plage de Propriano et qui devait renforcer l’équipe de Lévie durant le tournoi de Tallano. Le jeune homme, athlétique, académique, avec son sac et sa serviette nous impressionnait alors que nous étions bâtis n’importe comment sortis du maquis. Nous comptions sur lui capé d’un tournoi national réservé aux meilleurs joueurs de chaque région. Hélas, dès  le premier coup-franc intervenu en début de match, nous l’avions chargé de le tirer, les choses allaient mal tourner pour lui. Habitué aux pelouses de billard, il n’avait pas encore pris la mesure des imperfections du terrain dont nous connaissions chaque motte de terre. Il prit son élan et fixant le cadre des buts adverses, il frappa dans une touffe d’herbe sèche bien enracinée. La cheville démise, il quitta le terrain dès les premières minutes et nous ne sûmes jamais quelles étaient ses qualités footballistiques. Je ne me lance pas ici dans les détails sinon on ne s’en sort plus. Une idée en amenant une autre je peux vous conduire ainsi sur Mars ou suivre le ballon dans le maquis lorsqu’un shoot malencontreux l’envoyait dans le ravin. Nous en avions pour un bon moment à plusieurs pour le retrouver. Il était rare que nous eussions un ballon de remplacement. Soyons sages pour une fois. Raisonnables, je veux dire.

Un petit sourire coquin m’habita une partie de l’après midi. Je pensais au départ et une idée germait dans ma tête pour ne pas partir comme un voleur.

A demain !

img_1653L’envol, c’est pour demain.

Un commentaire

  1. J’ai raté cette page que je m’étais promis de lire pourtant. Tu donnes envie de se remettre à écrire et à écrire autre chose que des papiers écorchés sur des thèmes de sociologie politique. Bah, mes photos parlent pour moi à qui y est sensible. Cela suffit.
    Quant à toi, ne lâche pas.

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