Fourqueux est une commune proche de Saint Germain en Laye dans les Yvelines.
J’habitais le Chesnay et j’étais un fervent de pétanque, je ne manquais que rarement un concours dans la région parisienne.
Un jour, je venais d’arriver sur le terrain d’entrainement, un peu sur le tard, c’est à dire juste pour regarder les autres jouer.
Un jeune homme de mon âge, inconnu jusque-là, blouson de rocker, la mine enfarinée, faisait des merveilles aux dires des spectateurs.
Il venait de Bordeaux et s’entrainait sur le boulodrome local.
Tous semblaient sous le charme.
Un ami qui le regardait jouer me dit :
– Sim, c’est un champion !
Cela faisait un bon moment que je l’observais aussi et rétorquai sur le champ :
– Je demande à le voir dans un concours. Ici tout le monde est champion !
Il m’a toisé presque méchamment et me dit :
– Tu veux faire un concours avec moi ?
J’étais piégé, obligé d’accepter son invitation.
Le bordelais, tenancier de bar, venait prospecter dans la région parisienne.
Il ne doutait de rien surtout pas de son talent de tireur. Ce n’était pas un manchot mais j’en avais vu des plus discrets plus efficaces que lui…
Apparemment, il avait des connaissances dans le coin car le lendemain, il me déclara :
– On va faire le concours de Fourqueux, le président est un ami.
Bon, j’ai accepté.
Le samedi, en arrivant sur le lieu des inscriptions, il salua le président et me présentant, lui dit :
– Tiens, je te présente le petit corse, nous sommes venus gagner ton concours !
Je n’ai pas trop apprécié car il mettait la pression sur nous. Comment pouvait-il prétendre cela alors qu’il y avait 150 doublettes venues de toute la région parisienne.
Nous avons facilement gagné toutes les parties jusqu’à la demi-finale dont les deux dernières se jouaient sur un stade stabilisé.
Les boules roulaient, roulaient, et ne s’arrêtaient qu’à deux mètres du bouchon, souvent après l’avoir dépassé. « Si ta boule est à deux mètres, disait-il, les autres la mettront à deux mètres cinquante ! » et tirait sur tout ce qui était plus proche.
Il fit un festival de tir et de vanité avec une réussite insigne, nombreux carreaux à l’appui.
J’en étais estomaqué.
Il était 22 h lorsque nous atteignîmes la finale et nous dûmes attendre l’autre finaliste jusqu’à minuit, pour la jouer.
Nous patientâmes près de deux heures au comptoir à boire des pastis.
Une finale pitoyable. Nous fûmes balayés en quelques mènes sur le score de 13/2.
Fort dépité j’ai pesté contre les adversaires.
L’un d’eux était corse et s’était informé sur notre identité. Il m’appela dans un coin et me dit « Ò Simò, a prossima volta bii aqua ! » (La prochaine fois bois de l’eau !)
Le lendemain en allant au club, on nous demanda : » Alors ? »
Mon partenaire du jour répondit : « Nous avons été battus par Ricard et Casanis en finale. »
Lamentable chute mais avouez que nous n’étions pas bien loin de sa prédiction…
Le bougre était un vrai bon joueur, nous avons gagné quelques concours ensemble avant qu’il ne reparte avec mes boules dans sa Gironde natale.
C’était une tête brûlée et ces têtes là, n’ont jamais froid aux yeux.
La photo en titre n’a rien à voir avec l’histoire, c’est juste une illustration et un cadeau pour les gens du village qui reconnaîtront les boulistes.
Une anecdote pour étoffer « Les choses de la vie ».