« On ne peut garder sans cesse,
Sa jeunesse. » Charles Aznavour
Être jeune et pimpant, traverser la vie dans l’insouciance, faire le plein d’égoïsme et de plaisir. Le cœur solide, l’émotion bétonnée. Sans aucune retenue, gaspiller les sens, titiller le paroxysme trop souvent… croire que c’est ainsi, passer sa jeunesse.
Sur le tard, j’ai découvert la musique. Je me suis embarqué sur des airs que je connaissais pourtant et me laissaient indifférent jusque-là.
Étonné de ne pas avoir saisi plus tôt.
Une belle voix, un beau texte, un visage qui passe par toutes les émotions et au bout de cela, l’humain.
Des yeux se plissent, des lèvres se tordent en attendant d’être mordues un peu, mordillées. Une ride se creuse pour souligner une émotion soudaine, un léger sanglot difficilement étranglé et tout un visage exprime sa tristesse. Le souffle aspiré, contenu un bon moment au fond de la poitrine puis se libère pour ne pas étouffer.
Je sais regarder, je sais accompagner, partager, comprendre…
Un long cortège s’étire entre le cimetière et l’église. Au premier rang, ceux qui ont été les plus proches et tous les autres qui l’ont connu(e) suivent la tête basse. Une histoire s’en est allée, chacun en connaît un épisode et racontera le passé à sa manière.
Une danse, rien qu’une danse, moi qui ne sais pas danser, deux corps tourbillonnent à l’unisson, se fondent dans l’air, personnalisent une musique.
Une araignée patiente au fond de son antre, sa toile est tendue, elle guette une vibration.
Les nuages sont lourds, le vent s’est essoufflé cherchant à balayer cette masse pesante devenue impossible à mouvoir. La pluie largue ses gouttes qui viennent tambouriner sur la bassine oubliée dans un coin de la cour. Les vitres embuées deviennent opaques, la main joue l’essuie glace, le paysage apparaît puis disparaît dans l’autre brouillard.
La vie est « va et vient » incessant comme un spectacle donné innocemment, sans intention, pour que chacun y trouve sa place, une trace, une raison, un horizon.
Les rivières et les torrents s’en fichent, ils ne savent que descendre et se laissent guider par les pentes, les ravines déjà tracées, les goulets, les tours et les détours, les méandres qui leur demandent une chanson.
Au fond d’une chaumière, une grand-mère se penche sur un petit enfant, riant aux éclats devant les extrêmes d’une vie. L’autre, encore innocent, cherche instinctivement sa tétine, il ne sait pas qu’il joue ses premiers balbutiements et fera bientôt ses premiers pas.
J’ai fini par comprendre avec mon âme plus qu’avec mon esprit.
Je sens l’émotion qui m’assaille, plus facilement, je ne fais plus de résistance, d’ailleurs je ne veux plus rien maîtriser comme le jet qui monte d’un forage, irrésistible, s’épanche sur le sol. Sans aller jusqu’au flot, je sens l’émotion m’envahir, irrépressible, pousser la larme à sortir de son canal et la gorge serrée qui tente de la freiner sans y parvenir. Alors, je laisse aller, je baisse la tête ou m’abrite derrière un dos comme pour communier tout seul à l’abri des regards. Un « lâcher prise » encore timide puisqu’il se cache pour libérer ses émotions…
La vie par ses frottements successifs érode les carapaces. A travers la faille d’une coque de noix pointe une plantule, il est temps de penser à la vie, une autre vie…
Lorsque la larme devient facile c’est signe d’alarme.
On n’y peut plus rien. Désormais nous sommes devenus humains, la fin n’est plus très loin.
Comme une cigale j’ai cymbalisé* durant mon printemps, je craquette, stridule, module aujourd’hui…
C’est juste à quelques pas de la sortie que l’on sourit follement à la vie.
Âmes jeunes « symbalisez » à votre guise, le temps des regards dans le rétro arrive bien vite, on gratte sur une guitare et le temps s’en est allé déjà…

*Cymbalisation, cymbaliser = chanter en parlant de la cigale.
PS. A la lecture de certains textes mélancoliques, on pourrait croire que je vis dans une tristesse infinie. C’est exactement le contraire, la bonne humeur guide ma vie. Je viens chercher ici le pendant de mes sentiments joyeux, ces contrastes nécessaires comme le yin et le yang composent le tout.
Le rire et les larmes aussi indispensable que l’ombre et la lumière, très beau texte Simonu.
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Je pense la même chose, le besoin de contrastes pour vivre.
J’avais écrit « Dans l’ombre, il y a la lumière », sans doute un texte de la même veine…
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